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Titre du blog : **~~°°° STL°°°~~**
Auteur : metal-in-action
Date de création : 02-12-2007
 
posté le 18-04-2009 à 15:01:59

~~°°° Sintra °°°~~

Depuis l'antiquité classique, la Serra de Sintra, petite chaîne montagneuse, près de Lisbonne, dans laquelle la ville se trouve enclavée, est connue sous le nom de Promontoire de la Lune ; Sa forme sinueuse, façonnée par la nature, sa façon d'avancer dans la mer telle une embarcation prête à braver l'océan, ont fait dire a Pessoa que Sintra est le « nez de l'Europe. »

Le visage de Sintra a été façonné, au cours de l'Histoire, par une succession d'influences intimement liées à l'esprit lusitanien. Lieu privilégié pour son climat salutaire et amène, l'abondance des sources et des ruisseaux, la fertilité des sols, la grande concentration d'arbres millénaires, ainsi que certains aspects liés au mysticisme et aux valeurs sacrées païennes.

La première empreinte qui marquera Sintra sera religieuse et spirituelle, peu après avoir pris Sintra aux Maures, Afonso Henriques confie la ville à l'Ordre du Temple, et en fait commandeur son Grand-maître, Gualdim Pais, en 1157-58. C'est encore à Sintra, à Penha Longua, que voit le jour le premier monastère hiéronymite du Portugal, à la fin du XIVème siècle. Et bien d'autres ordres s'y installeront (Ordre de la Sainte Trinité, Ordre du Mont Carmel, Ordre de Saint-François), tous caractérisés par une grande intériorisation spirituelle.

Ensuite viendra la période baroque, devenant un lieu de villégiature et d'oisiveté de l'aristocratie de Lisbonne, qui verra l'apparition de luxueux palais, de jardins luxuriants, de manoirs manuélins à flanc de coteaux ou de splendides propriétés à moitié inaccessibles. Le tout dans un désordre apparent, du moins pour un regard moins attentif, mais obéissant, en réalité, à un critère rigoureux (notamment sous l'impulsion de l'époux de Maria II, le prince de Bavière Ferdinand de Saxe Cobourg-Gotha, qui fut le principal acteur de la scénographie monumentale de Sintra, concevant, entre autre, à partir dues ruines de l'ancien monestère hiéronymite le stupéfiant et multicolore Palacio da Pena.  Palais de la Plume, que n'aurait pas renié Louis II de Bavière). En somme, un désordre ordonné, typique miroir de la mentalité de l'époque, à l'image de ceux, qui, tels Lord Byron, en firent leur patrie d'adoption.

Pour réellement découvrir Sintra, il faut y aller par un matin d'avril, juste avant l'aube, gravir le chemin qui contourne la vallée montant en même temps que la brume matinale se lève et tapisse les lieux d'une légère humidité vaporeuse. S'arrêter un instant pour se désaltérer à la superbe fontaine maurisque, à mi-chemin de la montée, où dès les première heures du jour, les habitants de Sintra viennent puiser à cette eau de source. Ne pas s'attarder en ville, mais emprunter les sentiers qui s'enfoncent dans la Serra, s'attarder devant tel portail en fer forgé derrière lequel on devinera une demeure splendide attaquée de toutes parts par une puissante flore redevenue sauvage, ou se pencher sur tel autre parapet pour bénéficier d'une vue vertigineuse qui se prolonge parfois jusqu'à l'Atlantique et au Cap de la Roche, le point le plus occidental de l'Europe. Il faut descendre au Lawrence, le plus vieil hôtel de la péninsule ibérique où ont vécu Lord Byron, Eça de Queiroz, William Beckford, Alexandre Herculano, entre autres.

 

Impossible de parler de Sintra sans évoquer la Quinta da Regaleira. Lieu empreint de mystère, d'extravagance et de folle mégalomanie, et qui illustre, ou condense tout l'esprit du lieu, en le magnifiant.

Ayant appartenu à Ermelinda Allen Monteiro De Almeida, baronne de la Regaleira, la propriété (déjà débordante de constructions d'inspiration romantique) est vendue en 1892 à Antonio Augusto Carvalho Monteiro. Surnommé Monteiro des Millions, richissime excentrique ayant fait fortune dans le café et les pierres précieuses, mécène cultivé, bibliophile averti, mélomane et collectionneur de renom, il se lance, avec l'architecte Luigi Manini (l'architecte, peintre et scénographe de la Scala de Milan) dans la construction de sa demeure philosophale où s'entremêleront l'Art et le Mystère.

Tout d'abord l'incroyable Palais de la Regaleira, paré, sur trois étages, d'une riche iconographie qui va des espèces animales et anthropomorphiques, des éléments et motifs marins (comme les sphères armillaires typiquement manuélines) jusqu'au symbolisme ésotérique, lié surtout à l'alchimie, à la franc-maçonnerie, à l'ordre du Temple, à la tradition mythologique portugaise, et au christianisme gnostique. Le palais, comme l'ensemble des bâtiments du site est un mélange de langages architecturaux, du néo-manuélin et ses motifs romantiques au néo-gothique avec ses gargouilles et pinacles ogivaux, en passant par le roman et l'art classique.

Dans ce lieu l'ont ne peut que flâner, se balader au hasard, dans ce parcours qui nous est offert. La chapelle de la sainte trinité, avec sa crypte secrète, ses symboles ésotériques, comme le delta lumineux maçonnique qui trône à l'entrée, ou l'athanor alchimique en haut-relief.

Les jardins et les bois qui sont de ceux qui ont inspiré Lord Byron lorsqu'il parlait de son Glorious Eden, sur  une succession de paliers, de kiosques, de balcons, de belvédères, de terrasses, donnant l'impression de décor conçu pour une pièce de théâtre ou un opéra. Dans les bois et dans la forêt, la végétation est plantée dans un désordre apparent, renforçant l'effet du primitivisme, à l'opposé de ceux plus proches de la résidence, plus soignés, reformulant le concept traditionnel portugais du jardin salon.

Ensuite vient le Jardin-Terrasse des Chimères, le Palier des Dieux qu'ouvre Hermès, à l'ombre des marroniers d'Inde juste avant la Tour de la Regaleira, qui se dresse brusquement au-dessus de la végétation luxuriante, et les innombrables marches de son escalier en colimaçon, qui pour récompense, offriront le spectacle sur toute la vallée.

 Plus loin, une curieuse porte de pierre tourne sur elle-même, mue par un mécanisme caché, et dévoile l'entrée d'un puits, le Puits de l'Eternité,  sorte de tour inversée initiatique, qui s'enfonce dans la terre, par une succession de neuf paliers. Au fond, les symboles héraldiques et ésotériques encadrent l'entrée des galeries souterraines, véritables labyrinthes à moitié naturels, à moitiés façonnés par la main de l'homme, et suggèrent l'idée d'un monde immergé. Différents décors s'offriront alors, fontaines, cascades, passages en pierre silencieux. Parmi les sorties possibles, celle de la grotte de Leda,  cachée derrière les Gardiens du Seuil de la Fontaine des Dragons, nous ramène au point de départ, à la Terrasse Célèste.

 

A travers bois, on se perd dans ce lieu. La lumière y est différente, filtrée par la cime des arbres, dans ce paysage tout en dentelles où les chemins sinueux courent le long de courbes capricieuses, créant l'illusion de tableaux empreints de surprise et de mystère.